
©Géraldine Aresteanu
Comme l’a fait Yoann Bourgeois, concepteur et scénographe de Celui qui tombe, on pourrait utiliser des mots compliqués pour parler de ce qui se passe sur la scène, occupée par six danseurs et une immense plateforme mobile. Comme lui, on pourrait utiliser le terme de « principe circassien » et chercher la complexité de sa démarche, mais c’est un spectacle qui n’a pas besoin d’être compris. Le ressenti suffit et le spectateur tenu en haleine participe, s’inquiète pour les personnages, suit chaque mouvement du regard; on entend des « ouf » et des « aah » au rythme des tableaux. Des tableaux très beaux, aux ralentis parfois cinématographiques, d’une exécution admirable et à l’esthétique touchante. Les six danseurs, qui pourraient représenter toute une humanité, découvrent les possibilités de ce qui les entoure. Ils évoluent avec cette plateforme en bois qui pivote, monte, descend ou se balance. Ils sont souvent dominés et parfois ils dominent, ils tombent et se relèvent, ils influencent puis subissent, s’entraident ou se rejettent. Ces individus dont chaque mouvement est beau et maîtrisé nous parlent de nous avec fluidité, dans un rythme pareil à une respiration.
Certaines longueurs amènent à se demander quelques fois si regarder six personnes tourner sur une plateforme comporte réellement un intérêt, mais l’instant d’après la musique insuffle un nouvel élan et c’est une scène pleine d’intelligence et de beauté qui est donnée à voir. Le format relativement court,une heure, ne laisse d’ailleurs pas le temps de s’ennuyer et le spectateur est ainsi porté jusqu’au bout, surpris jusqu’à la dernière scène. Ce n’est pourtant pas une idée nouvelle qu’amène Yoann Bourgeois dans ce jeu de l’espace et du corps. Cet été au festival d’Avignon, le scénographe et metteur en scène, Aurélien Bory, proposait Espaece, une création à l’ingénierie plus complexe encore, qui questionnait également le rapport entre l’homme et son environnement en utilisant les multiples possibilités d’un décor malléable. Si Celui qui tombe n’est pas une création innovante, elle n’en est pas moins convaincante. Beaucoup de choses peuvent être dites au travers d’une chorégraphie, Yoann Bourgeois et ses danseurs le prouvent une fois de plus. On nous parle, on nous raconte, sans un mot mais en mille gestes.
Conception, mise en scène et scénographie Yoann Bourgeois / avec Mathieu Bleton, Julien Cramillet, Marie Fonte, Dimitri Jourde, Elise Legros et Vania Vaneau / au Théâtre de Vidy du 9 au 12 novembre 2016